20140319 – Déclaration des Evêques – Réinsertion des personnes détenues

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« Annoncer aux captifs leur libération » (Lc 4, 18)

 

Appel aux communautés catholiques de France
en faveur de la réinsertion des personnes détenues

 

 

Diaconia stimule nos communautés : servir la fraternité telle que le Christ nous l’apprend, en particulier au temps du carême. Parmi nos frères, certains sont détenus en prison. Comment leur annoncer leur libération (cf. Lc 4, 18), comment sont-ils au cœur de nos communautés ?

L’Eglise catholique est présente en prison à travers les six-cents aumôniers catholiques, qui y circulent librement et rencontrent les détenus comme le personnel. Ils sont les témoins privilégiés de réalités peu connues. Forts de leur expérience, au nom du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, nous souhaitons lancer un appel aux communautés chrétiennes : Changeons de regard ! Changeons de perspective : Il m’a envoyé annoncer la Bonne nouvelle aux pauvres, aux captifs leur libération (Lc 4, 18) !

Prendre conscience des effets néfastes de l’incarcération

L’aumônerie catholique des prisons expérimente combien l’incarcération, en particulier pour de courtes peines, est un facteur désocialisant et déstructurant de la personne. La prison entraine, par elle-même, perte d’initiative, dépendance, affaiblissement ou disparition des relations, perturbation de la vie affective, des repères chronologiques, de la perception de la réalité, de l’image de soi. Le paradoxe est l’insécurité qui règne dans un cadre hyper sécurisé. Si tout est fait pour empêcher les évasions et les suicides, la violence est présente à tout moment.

La surpopulation carcérale et la conception gigantesque des établissements modernes aggravent la situation, spécialement pour les personnes socialement fragiles, nombreuses parmi les condamnées à de courtes peines.

Il est difficile et couteux d’organiser des activités de réhabilitation en adéquation avec l’infraction dans le cadre d’une peine de prison. Certains condamnés peuvent trouver les ressources pour se reconstruire et reprendre pied. Mais les aumôniers rencontrent quotidiennement des personnes qui, très loin de l’insertion sociale, perdent tout repère, tout soutien, extérieur comme intérieur, et donc tout espoir, au bout de quelques mois, voire quelques semaines. Ils ressortent dans une situation encore plus précaire que celle dans laquelle ils sont entrés.  Nombreux sont ceux qui viennent et reviennent.  L’incarcération, loin de sa dimension supposée dissuasive, aggrave des situations déjà compromises, avec  un impact budgétaire particulièrement lourd pour la société.

Pour l’ensemble de ces raisons, une réflexion sur des peines alternatives s’impose. Il faut une peine : l’auteur du délit doit être puni, la victime recevoir réparation de son préjudice et la société être protégée. Mais, en réalité, la protection durable de la société passe par l’insertion et la réinsertion des personnes condamnées dans le tissu économique, social et familial.

 

Changer de regard

Notre société est traversée par beaucoup de peurs, liées en partie à la crise économique mais aussi à un sentiment de perte de repères et de sens de la vie. La prison peut apparaître comme une solution simple garantissant une sécurité parfaite. C’est un raisonnement bien court. Il ferme les yeux sur le sort des personnes incarcérées et oublie qu’au bout de six mois, un an, trois ans, la personne se retrouve de toute façon à nouveau libre.

Prévenir la récidive demande d’abord un changement de regard de la société sur les personnes condamnées, en fait de la société sur elle-même. La personne, même si elle a commis un délit, même si elle est incarcérée, ne cesse pas d’appartenir à notre société. Elle demeure notre frère ou notre sœur en humanité. Tout le respect lui est dû et tout doit être mis en œuvre pour lui permettre de reprendre sa vraie place dans la société, avec une attention prioritaire pour celles qui en sont le plus éloignées.

Les aumôneries catholiques présentes dans la presque totalité des diocèses de France aideront les communautés, paroisses et mouvements, à changer de regard sur ces hommes et ces femmes. Qu’elles témoignent aussi du chemin spirituel et de conversion qui se vit en détention et fait de certains nos maîtres dans la foi.

Chrétiens, évaluons notre regard sur les personnes incarcérées. Interrogeons notre prière : que dit-elle de leur avenir, de nos craintes, de notre espérance ?

 

Changer de perspective

La mise en place d’une peine alternative, assortie d’un accompagnement et d’un contrôle de la personne condamnée, tout comme l’encadrement des personnes à leur sortie de prison, demande une mobilisation importante. Celle-ci incombe aux services de l’Etat. Cependant, même avec des renforts d’effectifs et une redistribution des postes de la surveillance vers l’accompagnement, ils ne suffiront pas.

Prévenir la récidive demande aussi que la mission de réinsertion soit davantage valorisée par rapport aux missions de sécurité. Les personnels de surveillance font preuve de compétence et de conscience professionnelle. Comme les autres personnels et intervenants, ils doivent  être mieux formés, encouragés et soutenus pour mettre en œuvre la priorité de la réinsertion.

Faciliter la réinsertion et, donc, prévenir la récidive demande  l’engagement de nombreux acteurs dans le domaine de l’emploi, du logement, de la santé, de l’éducation, etc. Avec Diaconia en mai 2013, les catholiques ont amorcé une démarche pour permettre aux plus pauvres et aux plus fragiles de devenir les acteurs de leur avenir et de celui de la société. Dans nos communautés des initiatives existent déjà. Elles demandent à être davantage connues pour nous stimuler les uns les autres.

 « Arrêté puis condamné, il a été supprimé. Qui donc s’est soucié de son sort ? », demandait le prophète Isaïe (53,8). Le pape François, dans son message aux aumôniers de prison italiens invite à « une justice de réconciliation, une justice d’espérance, de portes ouvertes, d’horizons. Cela n’est pas une utopie, cela peut se faire », (23 octobre 2013).

***

Nous rendons grâce pour les sœurs et les frères, laïcs, diacres et prêtres, qui entendent l’appel de Jésus : J’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi (Mt 25, 36). Nous invitons les fidèles et les communautés à participer à cet acte de foi par la prière et par une conversion du regard. Nous invitons chacun selon ses possibilités,  à oser des propositions, des engagements, des solutions nouvelles pour le retour réussi dans la grande communauté humaine de ceux qui ont enfreint ses lois. Si nous ne croyons pas possible ce relèvement, pouvons-nous célébrer en vérité la Résurrection de notre Sauveur ?

 

 

 

Le 19 mars 2014,

 

Mgr Jean-Luc Brunin,

évêque du Havre, président du Conseil Famille et société

Mgr Dominique Lebrun,

évêque de Saint-Etienne,
accompagnateur de l’aumônerie catholique des prisons

 

Bernard Demolon

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